Il lui a donné rendez-vous dans la petite clairière située derrière le silo à grains. Ils y sont déjà venus plusieurs fois. Retrouvés à l’écart du monde, loin du bruit des autres et de la vie normale.
Tout y est ombre et lumière, comme leur histoire.
Viendra, viendra pas ? Il ne sait jamais à l’avance ce qu’elle va décider.
- Tu es capricieuse.
- Non, je suis fantasque.
Il aime qu’elle soit ainsi. Elle casse la
monotonie. Parfum d’inconnu.
Il l’a rencontrée par hasard. Elle est
entrée dans la pharmacie un soir au début de l’été, il était sur le point de
fermer boutique avant d’aller retrouver sa femme.
- J’ai mal à la tête.
- Vous êtes sujette aux migraines ?
- Non, j’ai juste la tête trop pleine.
Elle a éclaté de rire. Il lui a vendu une
boîte de paracétamol. Elle est entrée dans sa tête à lui et n’en est plus
ressortie. Elle lui fait les tempes douloureuses. Parfum d’interdit.
Il n’a jamais cherché à la revoir. Elle
allait là où il allait. Un jour, il l’a vue marcher sur la route qui menait au
bois. Sa robe rouge à pois blancs dansait dans le soleil. Elle tenait ses
espadrilles à la main.
- Vous voulez que je vous dépose ?
Elle est montée dans la voiture. Et elle a
dit :
- J’ai juste envie de toi.
Sa bouche avait le goût du cassis. Parfum
d’inconscience.
Il est assis sous le grand chêne. La toute
première fois qu’ils se sont allongés là, sur le tapis de mousse, ils se sont
amusés à regarder ensemble la frondaison de l’arbre, les feuilles vertes qui
jouaient avec les nuages et les éclats de soleil tout là-haut dans le ciel.
Elle disait n’importe quoi. Ni queue ni tête.
- Tu n’es donc jamais sérieuse ?
Une petite araignée l’a piqué au bras.
Parfum de danger.
Il a parcouru de baisers sa peau blanche.
Elle sent l’autrefois, les draps qui claquent dans le vent. Des senteurs de
lavande, de fleur d’oranger sur un grain doux et tendre. Il l’imaginait plus
capiteuse. Il le lui a dit et elle s’est fâchée.
- Je n’aime pas les parfums.
En l’embrassant, elle lui a mordu la lèvre.
Il a eu le goût du sang. Parfum d’ivresse.
Il l’attend à chaque fois. Toujours en
retard. Il épie. Guette sa silhouette sur le sentier. Elle surgit par surprise.
Après tout va toujours trop vite. Tout de suite. Maintenant.
- Je dois repartir…
- Déjà ! Je viens à peine d’arriver.
- Je vais t’offrir une montre…
- Je ne veux rien de toi !
Elle s’agace, tape du pied. Il veut
l’entourer de ses bras. Elle le repousse, le prend, se frotte, se colle. Parfum
de rage.
Il l’attend depuis deux heures. Les
effluves des lichens mélangées à celles du blé chaud et des tiges de paille
écrasées dans les champs lui donnent mal au cœur.
Il a envie de vomir.
Il s’écrase contre le tronc de l’arbre,
s’écorche sur l’écorce.
Il sent en lui le sel des larmes. Il boit
la tasse. Il voudrait les étouffer, ce sont elles qui l’étouffent. Elle ne
viendra plus. Parfum de rien.
© Fabienne Boidot-Forget
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